Licenciement abusif d’un « sénior » et réparation des préjudices matériel et moral

Il s’y ajoute, que compte tenu de l’âge du salarié au moment du licenciement (58 ans), de la situation sur le marché de l’emploi, et au vu du poste qu’il occupait, les chances de Monsieur W de retrouver un emploi étaient relativement réduites.

C.S.J., VIII, 22 juin 2023, CAL-2022-00397 du rôle

Quant au préjudice matériel

En vertu de l’article L.124-12 paragraphe (1) du Code du travail, le salarié a droit, en principe, à des dommages et intérêts compte tenu du dommage subi par lui en cas de licenciement abusif.

La réparation du préjudice matériel subi par le salarié n’intervient pas d’office. Seul le dommage matériel en relation causale directe avec le licenciement abusif est indemnisé et calculé par rapport à une période de référence dont la durée est fixée au cas par cas par les juridictions en fonction notamment des efforts concrets faits par le salarié pour trouver un nouvel emploi et de la situation de l’emploi dans la branche où le salarié a travaillé. II est tenu compte de la qualification professionnelle, de l’ancienneté de service et de l’âge du salarié, ainsi que la situation sur le marché du travail. D’autres éléments tels des problèmes personnels, ou la maladie d’un salarié, qui n’ont aucun lien direct avec le licenciement ne sauraient être pris en compte ( voir en ce sens Cour d’appel, 25 octobre 2018, n° 42241 et 43961). Aussi le fait que Monsieur W ait souffert d’une double hernie discale est indifférent.

Le tribunal du travail a fixé la période de référence au cours de laquelle la perte de revenus de Monsieur W est à mettre en relation causale avec le licenciement intervenu à 18,5 mois à partir de la fin du délai de préavis, le 15 avril 2020, jusqu’au 1er novembre 2021. Le quantum de 23.556,64 euros alloué à Monsieur W constitue le différentiel entre les salaires qu’il aurait touché auprès de son ancien employeur durant cette période ( 106.692,64 euros) et les indemnités de chômage lui versées pendant cette même période ( 83.136 euros).

La Cour admet cependant que le licenciement, motivé par le refus d’accepter une rétrogradation, après une ancienneté de plus de 28 ans a affecté le salarié âgé de presque 58 ans, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir entrepris, dès le lendemain du licenciement, voire au cours des cinq premiers mois de la période de préavis, des démarches afin de trouver un nouvel emploi. La Cour approuve en conséquence le tribunal du travail d’avoir retenu que « l’absence de preuve d’une recherche d’emploi au cours des premiers mois de la période de préavis n’est pas de nature à entraîner, en l’espèce, une rupture du lien de causalité entre le licenciement abusif et le préjudice matériel résultant de la perte d’emploi »

Il s’y ajoute, que compte tenu de l’âge du salarié au moment du licenciement (58 ans), de la situation sur le marché de l’emploi, et au vu du poste qu’il occupait, les chances de Monsieur W de retrouver un emploi étaient relativement réduites.

Or, il est établi que malgré le peu de chances de retrouver un nouvel emploi au vu de son âge et de la spécificité de son ancien travail, Monsieur W s’est inscrit en tant que demandeur d’emploi en date du 9 février 2020 et il justifie en outre au vu des pièces versées sous les numéros 20, 30 et 33 de la farde de son mandataire, avoir dès le mois de mars 2020 et durant toute l’année 2021, fait des demandes spontanées auprès de nombreuses entreprises et de l’ETAT.

Au vu de ce qui précède, la Cour retient l’existence d’un lien causal entre le licenciement et le préjudice matériel subi par Monsieur W et confirme le tribunal du travail en ce qu’il a fixé à 18,5 mois, à partir de la fin du délai de préavis, la période durant laquelle son préjudice matériel peut être considéré comme se trouvant en relation causale avec son licenciement. Le tribunal du travail est donc à confirmer en ce qu’il a condamné la société C à payer à Monsieur W le montant de [(18,5 X 5.767,17) – 83.136] 23.556,64 euros à titre de préjudice matériel.

Quant au préjudice moral

Vu l’âge et l’ancienneté de service très importante de Monsieur W d’un côté et des circonstances de la résiliation du contrat de travail ayant porté atteinte à sa dignité, de l’autre côté, le tribunal du travail est encore à confirmer en ce qu’il a alloué des dommages et intérêts à hauteur de 11.534,34 euros à Monsieur W à titre de réparation de son préjudice moral.